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lundi 14 février 2011

La Fille qui aimait trop les films d’horreur : Yamato Nadeshiko Shichi Henge (Perfect Girl Evolution)


Auteur : Tomoko Hayakawa
Genre : Manga shojo, comédie, romance, fantastique, horreur
Années de publication : 2000 –
Editeur français : Pika

Tombée complètement par hasard sur un extrait de l’anime, j’ai été suffisamment intriguée pour me lancer : après avoir visionné les 25 épisodes, je me suis mise au manga. Et bien que le shojo ne soit pas du tout mon genre de prédilection, je suis complètement tombée sous le charme !

L’histoire :

Ranmaru, Yuki, Takenaga et Kyohei sont quatre « bishounen », des lycéens extrêmement séduisants et populaires qui vivent ensemble dans une immense maison qu’ils louent à une jolie veuve aussi richissime qu’excentrique (et un brin tyrannique). Un jour, cette dernière leur lance un défi : transformer sa nièce en « Yamato Nadeshiko » (incarnation de la femme japonaise idéale), en échange de quoi leur loyer deviendra gratuit. Les quatre garçons acceptent sans avoir conscience de l’ampleur du challenge…
Deux ans plus tôt, Sunako Nakahara (la demoiselle en question) subit une cuisante déception sentimentale lorsqu’elle fait sa déclaration au garçon qu’elle aime : celui-ci lui répond « Je déteste les filles laides », faisant voler en éclats l’ego de la jeune fille. Elle prend alors une décision : plus jamais elle ne se regardera dans un miroir, plus jamais elle ne se comparera aux autres filles, plus jamais elle ne cherchera à avoir quoi que ce soit à voir avec une quelconque forme de beauté ou de romance ; elle se réfugie dans la solitude et les ténèbres, s’abandonnant voluptueusement à son goût prononcé pour le morbide et l’horreur : elle collectionne des crânes, des armes dangereuses, des organes conservés dans des bocaux de formol et des DVD de films d’horreur et de Tim Burton. Ses meilleurs amis sont des mannequins demi-écorchés et un squelette humain grandeur nature baptisés respectivement Hiroshi, Akira et Joséphine. Sa chambre est un sanctuaire où la lumière du jour n’a pas sa place.
D’aspect effrayant, Sunako ressemble plus à une apparition fantomatique qu’à un être humain (dans certains dessins elle rappelle Sadako dans The Ring). Les quatre garçons chargés de sa métamorphose, une fois remis du choc de la première rencontre, ne tardent pas à se rendre compte que Sunako ne supporte pas la vue des gens beaux, qu’elle juge « trop éblouissants » : en effet regarder trop longtemps une « créature de lumière » lui cause des symptômes assez violents qui vont du saignement de nez à l’évanouissement. Epouvantés par l’ampleur de la tâche, les quatre garçons ne se découragent pas pour autant (il en va de leur loyer !!!) : ils transformeront Sunako en « lady », coûte que coûte…

Mon avis :

Yamato Nadeshiko est une comédie teintée de culture gothique et horrifique, avec des éléments parodiques qui reprennent les clichés sentimentaux et les codes du shojo. Les rapports entre les personnages se développent au fil des chapitres, qui forment autant de courtes histoires indépendantes. Avec pour fil rouge la métamorphose de Sunako en « lady », le scénario suit un schéma qui fonctionne sur le principe « deux pas en avant, trois pas en arrière » (il y a d’ailleurs un mini jeu de l’oie basé sur le manga qui l’illustre assez bien) : chaque fois que Sunako semble montrer des signes de « progrès », il s’avère que la réalité n’est pas du tout ce qu’on s’imaginait. Malgré tout, ses rapports avec les autres évoluent, et, petit à petit, elle s’ouvre davantage, se socialise, et semble être de moins en moins allergique à la beauté de ses compagnons.
Les quatre garçons avec lesquels elle est contrainte de cohabiter ont des caractères très distincts qui sont approfondis à mesure qu’on avance dans le manga :
- Ranmaru est un playboy issu d’une famille très aisée, qui courtise volontiers les femmes mariées. Des quatre, c’est celui qui assume le plus son statut de « bishounen », et sait parfaitement jouer de son pouvoir de séduction.
- Takenaga est issu d’une famille respectable et est destiné à prendre la place de son père à la tête du clan. C’est le plus intellectuel des quatre, et il a une petite amie, Naie, qui se trouve être l’équivalent féminin des quatre garçons : lycéenne très belle et très populaire. Naie a un caractère extraverti et spontané (parfois un peu trop, ce qui la rend gaffeuse).
- Yuki est, contrairement aux deux autres, issu d’une famille plutôt humble socialement. Il a des traits délicats (presque féminins) et un caractère tendre qui en font le plus « mignon » des quatre. Il a lui aussi une petite amie, Machiko.
- Kyohei est le dernier des quatre garçons à avoir emménagé dans la résidence Nakahara. « Trouvé » dans la rue un soir de pluie « comme un chiot abandonné » par la propriétaire, il est parti de chez lui à la suite de problèmes familiaux (qui ont leur importance mais que je ne développerai pas ici). Sans cesse victime de harcèlement à cause de son apparence, il est incapable de garder un emploi et manque toujours d’argent (et est donc particulièrement sensible aux avantages d’un loyer gratuit). Il a un caractère intempestif et ne pense qu’à manger.
Takenaga, Sunako et Ranmaru passent Noël devant Edward Scissorhands...
J’ai un énorme coup de cœur pour le personnage de Sunako : touchante, hilarante, elle vit vraiment dans son propre univers et, à sa manière très personnelle, est un modèle d’individualisme : forte, indépendante, n’aspirant qu’à vivre tranquille, elle ne compte sur personne d’autre qu’elle-même et, quand elle a un objectif à atteindre, rien ni personne ne peut se mettre en travers de son chemin (ou presque^^). Ce qui ne l’empêche pas de montrer, quand les circonstances l’exigent, une générosité et une affection sincères à l’égard de ceux qui l’entourent. En outre, elle possède de nombreux talents (elle est en particulier une cuisinière virtuose) et qualités qui n’ont souvent rien à voir avec ceux que doit posséder une « lady ». Pour la dessiner, l’auteure a recours à une palette très étendue qui va de la forme « chibi » (franchement irrésistible) à des dessins plus classiques (Sunako est en fait une jeune femme très jolie, quand son visage n’est pas déformé par une expression effrayante…), en passant par des modes horrifiques : fantôme, démon, monstre, vampire, sorcière… où qu’elle aille, Sunako fait généralement une forte impression sur ceux qu’elle rencontre, bonne ou mauvaise. D’un tempérament passionné et obsessionnel (pour ne pas dire maniaque), elle a une personnalité originale que le lecteur ne veut pas voir disparaître sous un masque de « lady », mais ses blessures psychologiques doivent guérir d’une manière ou d’une autre. Au fil du manga, elle s’habitue aux garçons qui partagent son toit, sort davantage de son antre, se sociabilise petit à petit, mais reste toujours récalcitrante aux assauts de sa tante pour faire d’elle une demoiselle accomplie et « normale » : sous les gags et la parodie légère, l’auteure du manga pose un regard assez dur sur la superficialité, le conformisme et le culte de l’apparence, symbolisés par la tante de Sunako (figure despotique et capricieuse que j’ai du mal à trouver sympathique, même si au fond sa motivation principale est son affection pour sa nièce) et les hordes de groupies hystériques qui harcèlent les quatre adolescents, montrées sous un jour beaucoup plus dangereux et terrifiant (cf la saint-Valentin, entre autres) que Sunako, qui a pourtant des épisodes psychotiques assez intenses de son côté.
Kyohei, second personnage principal du manga, est le plus beau et le plus admiré des quatre garçons (bien malgré lui). Amateur de combats, obsédé par l’argent et la nourriture, son caractère bien trempé et ses goûts s’accordent étonnamment bien avec ceux de Sunako : une complicité très forte se développe entre eux au fil des chapitres, au point de donner l’apparence d’un véritable « couple ». Les autres personnages (en particulier Naie, la petite amie de Takenaga) tentent régulièrement d’éveiller Sunako et Kyohei à leurs sentiments l’un pour l’autre, mais leurs stratagèmes échouent toujours lamentablement. Kyohei reste celui qui comprend le mieux Sunako, et il semble en effet qu’ils soient, à terme, destinés à former un couple authentique.

Pour conclure :

YamaNade est un manga très drôle et agréable à lire, pas prise de tête du tout. Son seul défaut, s’il faut en trouver un, est le dessin en « mode normal » de certains personnages qui n’est pas très différencié et peut créer des confusions (par exemple il m’est arrivé plusieurs fois de me demander si tel personnage était Kyohei ou Ranmaru) ; par contre, l’auteure excelle dans le dessin des caricatures : hilarantes, très inventives et expressives, la mangaka sait très bien en tirer parti dans sa mise en scène.
L’adaptation en anime reste bien dans l’esprit du manga d’origine (et, il me semble, en restitue fidèlement l’atmosphère loufoque et l’humour au 3000e degré) et est sympathique à regarder. En 2010 le manga a aussi été adapté en vrais personnages dans un drama de 10 épisodes, que j’ai visionné dans ma lancée. C’est la première fois que je regarde un drama asiatique, donc mon avis est peut-être à côté de la plaque, mais je le donne quand-même :p : j’ai apprécié les efforts d’adaptation, et l’enthousiasme des comédiens, mais j’ai été un peu déçue par la personnalité de Sunako (trop « autiste » à mon goût), l’accent mis sur le pathos et les bons sentiments (très 1er degré pour le coup), et le gommage des aspects « gore » . Ceci dit, il y a des choses que j’ai quand même aimées (les scènes entre Kyohei et sa mère, en particulier, et le personnage du barman qui porte à chaque épisode un tee-shirt assorti au groupe de rock dont il diffuse les chansons dans son bar^^). Bref, même si c’était amusant à regarder, je préfère, de loin, suivre le manga.


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