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dimanche 31 octobre 2010

L'orange mécanique

Catégorie: roman
Genre: littérature contemporaine
Auteur: Anthony Burgess 
Année de publication: 1962
Edition: Pocket
Année d'édition: 1994


L’Auteur :

Né en 1917 à Manchester, Anthony Burgess a étudié la linguistique et la littérature avant de servir dans l’armée de 1940 à 1946. Enseignant en Angleterre et en Malaisie, Burgess a d’abord été compositeur. Auteur de deux symphonies, de sonates et de concertos, il ne se tourne que tardivement vers l’écriture : en 1956, sa vie en Malaisie lui inspire une trilogie satirique sur le colonialisme. Quand, en 1959, les médecins croient lui découvrir une tumeur au cerveau, la carrière littéraire de Burgess s’accélère : en une année, il publie cinq romans et gardera toujours un rythme d’écriture très soutenu. On lui doit plusieurs volumes de critique littéraire, divers essais sur Joyce et Shakespeare, des articles de journaux et une vingtaine de romans souvent cruels et caustiques comme L’orange mécanique, son chef-d’œuvre magistralement adapté au cinéma en 1971 par Stanley Kubrick, ainsi que Le testament de l’orange et L’homme de Nazareth.
Burgess meurt en 1983, laissant une œuvre originale où contestation violente et conservatisme s’entremêlent avec brio.

Résumé de quatrième de couverture :

Le décor inquiétant de cette fable anti-utopique, nous le connaissons bien : c'est celui de la banlieue concentrationnaire qui va recouvrir peu à peu la surface habitable de la planète.
Une immense zone urbaine d'ennui, de désolation et de peur. Sur ce monde déshumanisé et ses habitants asservis, Alex, le voyou au charme pervers féru de musique classique et de langues anciennes, entend régner par la violence et la terreur. A la fois tête de sa horde adolescente, il matraque, viole, brûle, torture, et s'acharne à détruire une société programmée pour le bonheur et le progrès. Archange du Mal à l'état pur, il hante à jamais les pages cruelles de cet inoubliable thriller métaphysique.

Mon avis :

Orange Mécanique, pour moi, c’était avant tout l’inoubliable film de Stanley Kubrick. Alex, c’était Malcolm McDowell avec costume blanc improbable, chapeau melon et faux cils, et son air de faux angelot insolent et ultraviolent. Et comme pour tous les films qui me marquent, et qui placent la barre très haut, quand ils sont adaptés d’œuvres littéraires j’ai toujours une certaine appréhension au moment de m’aventurer dans le livre, redoutant la déception.
Mais mes craintes étaient tout à fait infondées avec L’orange mécanique. D’abord, j’ai été frappée par la fidélité du scénario du film à la trame originale du livre. J’ai revécu le film, presque scène par scène, d’une manière assez saisissante. Il y a des différences quand-même, et pas si minimes que ça, et surtout des différences qui ont du sens. La fin, surtout, est différente, plus ouverte dans le film, car elle ignore le dernier chapitre du livre.

Bon, mais de quoi ça parle tout ça, au fait ?

Dans une société plus ou moins autoritariste, le jeune Alex a deux plaisirs : la musique classique et la violence sous toutes ses formes. Il passe ses nuits en compagnie de ses drougs (comprendre « amis ») à voler, rosser, violer en toute impunité, jusqu’au jour où il se fait trahir et se retrouve en prison. Là, il apprend l’existence d’un traitement capable de lui rendre la liberté en une quinzaine de jours : le traitement Ludovico. Alors le drame commence…

Les principaux thèmes de L’orange mécanique sont la violence, le bien et le mal, et surtout la question du libre arbitre. Dans cette fable au ton plus que mordant, on suit les aventures de « Notre très Humble Narrateur » qui nous raconte son parcours dans le détail, sur un ton complice, en Nadsat, la langue de la jeune génération, mélange principalement de russe et d’anglais, et qui forme un dialecte fleuri et hautement savoureux.
La violence, dans L’orange mécanique, ce n’est pas seulement la violence brute d’Alex. C’est aussi la violence d’une société qui soumet et frustre les individus. C’est la violence des individus qui déversent cette frustration de diverses manières, et notamment la jeune génération qui rejette en bloc le monde des adultes. Enfin c’est la violence de l’institution qui répond à cette révolte individuelle par l’oppression. Tout cela forme un système dysfonctionnel qui génère et exacerbe la violence au lieu de la combattre. Tout le monde en prend pour son grade, aussi bien les parents ouvriers d’Alex, complètement soumis et passifs, que les politiciens, les institutions, la police, et les intellectuels de l’opposition qui ne sont pas en reste en matière de méthodes douteuses et brutales.
Au milieu de tout cela, Alex, le jeune démon à la bouille d’ange, qui a moins de quinze ans quand il écume la ville avec ses drougs, présente un curieux mélange de raffinement et de sauvagerie ; il est odieux, mais sympathique ; vicieux, mais naïf. Et c’est à travers ses yeux qu’on le voit passer de main en main, chacun tentant de le manipuler pour en tirer profit, lui-même ne souhaitant qu’une chose : s’adonner à la jouissance en toute liberté.
Mais cette liberté est sérieusement mise à mal par le traitement Ludovico, qui le transforme en agneau inoffensif, et lui rend la musique qu’il chérissait tant mortellement insupportable. En effet, pour Alex, aussi bien en terme de plaisir que de souffrance, la musique classique est indissociable de la violence. Remis en liberté, c’est-à-dire livré à lui-même dans le vaste monde, Alex va être systématiquement confronté à ceux à qui il a fait tort, désormais incapable de rendre les coups ou même de se défendre. De bourreau, il devient victime, individu complètement inadapté à son environnement hostile, transformé en « orange mécanique » privée de libre-arbitre.

En conclusion, on peut dire que c’est un récit court (à peine plus de 200 pages) mais dense, qui pose de vraies questions et demande une certaine prise de recul de la part du lecteur. Et il faut également saluer le travail de l’auteur sur la langue (je l’ai lu en français, mais on sent que les traducteurs se sont bien amusés !). Au final, une expérience très stimulante, qui me donne une envie furieuse de revoir le film, O mes frères !

6 commentaires:

  1. Je connais le film mais pas le livre. Il faudra que je remédie à cela un jour...

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  2. Pareil que Frankie, j'ai vu le film que j'avais bein apprécié mais il faudrait que je tente de lire le livre un jour.

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  3. En principe, si vous avez aimé le film, le livre devrait vous plaire, donc n'hésitez pas à vous lancer!^^

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  4. Je trouve que le film a un peu vieilli quand même ! Par contre, Alex, je le croise dans la rue, je me sauve en courant ! Quelle tête de psychopathe !
    C'est rigolo, je parlais justement de ce livre avec Aude-Lucie (je ne sais pas si tu l'as connais, mais vous devriez vraiment bien vous entendre !) et au contraire, elle a été très déçue par la fin du livre...
    Egalement un titre que je lirai un jour, quand j'aurai trouvé la recette pour l'immortalité ! :)

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  5. C'est vrai qu'en ce qui concerne la fin, j'ai préféré le film, parce que la fin du livre a un côté un peu... je ne dirai pas naïf, parce que je pense que c'est plutôt à voir dans un sens ironique, mais disons que ce n'est pas franchement le dénouement que j'aurais attendu. Certains détails du dernier chapitre m'ont quand même bien fait rire^^.
    Ça commence à faire un moment que j'ai pas vu le film. C'est vrai que niveau costume, il doit atteindre les sommets du kitsch maintenant, mais bon, ça reste un grand Kubrick! =) Et c'est clair qu'Alex a vraiment "psychopathe" écrit sur la figure^^!
    Je ne crois pas avoir rencontré Aude-Lucie, mais elle a l'air d'avoir des goûts fort intéressants! ;)

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  6. Salut!
    Bravo pour ta chronique perspicace et bien pensée! Je l'ai trouvée très bonne contrairement à d'autres.
    Je viens d'en publier également une de ce livre sur mon blog L'enlivrée.
    Tu peux la consulter si ça te dit.

    Joyce.

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