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dimanche 20 mars 2011

Germinal


Auteur : Emile Zola
Catégorie : roman
Genre : drame, naturalisme
Année de publication : 1885
Edition : Pocket Classique
Année d’édition : 2009


Résumé de quatrième de couverture :

Pour suivre le destin d’Etienne Lantier, Zola visite les bassins houillers, descend dans les puits, étudie Marx et Proudhon, s’informe sur les luttes prolétariennes.
Mineur à la fosse du Voreux, dans le nord, Etienne prend pension chez les Maheu, ouvriers de père en fils. A leurs côtés, il lutte pour leur émancipation et, lorsque la grève éclate, il tente vainement d’organiser la lutte sociale. Mais la faim entraîne bientôt les mineurs dans la violence et la troupe tire sur les émeutiers. La mine est inondée par l’anarchiste Souvarine. Les conséquences seront sanglantes. Etienne échouera, pour reprendre plus tard le combat. Le printemps naissant éveille en lui l’espoir qu’un « Germinal » fera enfin triompher la justice…

Emile Zola
Mon Avis :

Roman militant, Germinal nous fait côtoyer le peuple des mineurs en pleine crise industrielle. Le travail est ingrat, mal payé, engraisse une bourgeoisie oisive, et pèse sur les familles comme une fatalité ; avec la montée de l’Internationale et du socialisme, des rêves d’émancipation poussent Etienne, le personnage principal, à déclencher une grève lorsqu’une nouvelle baisse de salaire menace d’affamer les familles d’ouvriers. Alors que la direction laisse le mouvement s’éterniser, comptant sur la faim pour ramener les ouvriers au travail, au contraire les mineurs s’entêtent dans leur détermination, et même se radicalisent : dans une escalade de violence et de chaos, les grévistes déclenchent une émeute et détruisent les équipements des mines pour obliger les non-grévistes à rejoindre le mouvement. Mais l’émeute finit dans le sang, plusieurs ouvriers, hommes, femmes et enfants confondus, se font tuer. La répression signe la défaite du mouvement : la moitié des mineurs, poussés par la nécessité, redescendent à la mine. C’est ce moment que choisit l’anarchiste Souvarine pour intervenir : sabotant la cuve inférieure du Voreux, il inonde la mine. Piégés à l’intérieur, quinze mineurs trouvent la mort, seul Etienne, qui était descendu pour aider Catherine (la fille des Maheu dont il est amoureux) survit assez longtemps pour être secouru. Désormais incapable de supporter ne serait-ce que la vue de la mine, ce Moloch accroupi se nourrissant de la chair des ouvriers, Etienne part à Paris pour retrouver Pluchart, son mentor, mais ne s’avoue pas vaincu, comme le montre la dernière phrase du roman :
« Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait bientôt faire éclater la terre. »
J’avais bien aimé l’Assommoir, j’ai adoré Germinal. Alors certes, on peut trouver des choses à reprocher à Zola : par exemple sa vision complètement obsolète des traits héréditaires, où les vices et conditions de vie des parents influencent la constitution physique et les prédispositions morales de leurs enfants (ainsi Etienne qui doit lutter contre les pulsions de l’alcool et du meurtre qui sont « dans son sang », ou encore les enfants des Maheu, d’une constitution chétive à force de générations de mineurs qui ne mangent pas à leur faim et s’épuisent au travail), mais même si, d’un point de vue scientifique, le discours est complètement faussé, cet espèce de déterminisme socialo-génétique conserve une vraie force poétique et tragique. Un autre reproche qu’on fait beaucoup à l’auteur, c’est de prétendre à l’objectivité à travers la narration omnisciente, alors que, clairement, l’auteur soutient un certain discours. Alors c’est vrai : Zola n’est pas tendre avec la bourgeoisie, dont le portrait est particulièrement chargé, que ce soient les Grégoire, vieux couple vivant « raisonnablement » de la sueur des ouvriers, bons chrétiens (c’est-à-dire charitables), mais aussi d’une condescendance et d’une ânerie crasses, et dont la bonté est toujours à côté de la plaque, donnant au nécessiteux précisément ce dont ils n’ont pas besoin (ils donnent des vêtements chauds à des enfants qui meurent de faim, et des souliers à un vieillard sénile cloué à une chaise…), ou les Hennebeau (en particulier la femme, qui n’a que mépris pour les ouvriers de son mari). Seul Deneulin, directeur besogneux d’une petite exploitation, qui, malgré ses voisins prêts à le dévorer, s’efforce de donner à sa mine un équipement de bonne qualité et à ses ouvriers des conditions de travail acceptables, est montré sous un jour à peu près positif. Même Négrel, l’ingénieur, qui n’hésite pas à se mettre en danger quand des catastrophes éclatent à la mine, a quelques bons côtés. Il s’agit avant tout, pour Zola, d’appuyer sur les défauts de la bourgeoisie de son époque, quitte à être démonstratif.
Mais du côté des ouvriers, on ne peut pas dire que le peuple soit idéalisé non plus, même si ce sont les conditions de vie, plutôt que les hommes eux-mêmes, qui sont pointées du doigt à travers les vices des habitants des corons. La famille la plus tragique est incontestablement celle des Maheu, qui symbolise à elle seule toutes les générations de mineurs sacrifiés dans le ventre de la mine ; et la Maheu, Mater Dolorosa qui, après avoir perdu son mari et plusieurs de ses enfants, redescend elle-même à la mine pour faire survivre ce qui lui reste de bouches à nourrir avec un misérable salaire de trente sous, est aussi une figure de révolte silencieuse mais déterminée. Et surtout, le peuple est décrit comme une force naturelle, capable, quand elle se met en mouvement, de tout emporter sur son passage : on voit bien l’influence des idées socialistes dans cette peinture de la force du peuple (j’allais dire force ouvrière… je vais peut-être éviter^^), mais en même temps, n’est-ce pas précisément tout le sujet de Germinal ?
Et puisque j’en viens à parler de socialisme, j’ai particulièrement apprécié, justement, la prise de distance de Zola : à travers plusieurs figures emblématiques (Rasseneur, Pluchart, Souvarine) qui chacune symbolise un mouvement, une tendance, Zola évite les partis-pris passionnés, ce qui est encore souligné par la candeur d’Etienne, qui se jette dans la grève sans trop savoir ce qu’il dit ou fait : Etienne, « à moitié savant », est encore tout entier dans l’idéal, alors qu’un Pluchart est avant tout un politicien, Rasseneur un modéré qui se méfie des gros éclats, et est plutôt partisan du dialogue avec le patronat, et Souvarine, l’anarchiste, est le radical, pour qui aucun vrai changement ne peut avoir lieu sans une révolution sanglante. Ces figures permettent à Zola de décrire la situation politique à l’époque de la crise industrielle d’une manière vivante, incarnée, et en particulier d’évoquer les schismes de l’Internationale.

Bref, j’espère ne pas avoir perdu trop de monde en route. Pour conclure, j’insisterai simplement sur ce qui, pour moi, fait avant tout la force des romans de Zola (pour ce que je peux en juger, n’ayant lu de lui que deux romans, L’Assommoir et Germinal) : c’est leur dimension profondément humaine et universelle. Même si Germinal est ancré dans un contexte historique particulier, on s’identifie aux personnages, dont les sentiments, les souffrances et les désirs sont intemporels ; et à vrai dire, même si c’est un rapprochement un peu facile, je n’ai pas pu m’empêcher de penser, à la lecture, que, de la crise industrielle du XIXe à la crise économique du XXIe, les choses, au fond, n’ont pas tellement changé.
Et sur ces bonnes ( ?) paroles, je vous laisse avec la bande annonce (pas terrible, mais le film est mieux !^^) de l’adaptation ciné de Claude Berri (1993) avec Renaud, Depardieu et Miou-Miou :

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